Comment replacer l’Humain au cœur des stratégies post-Covid?

Comment replacer l’Humain au cœur des stratégies post-Covid?

Interview paperjam.lu du 28.04.2022

Même si la circulation du virus est toujours effective, la société n’est plus dans un mode transitoire: de nouvelles habitudes ont été prises, et le Covid a occasionné une grande transformation des ressources humaines. Il n’a pas été le révélateur de nouvelles tendances managériales, mais plutôt accélérateur de concepts qui avançaient timidement.

Vers un modèle hybride ?

Pour Émilie Casara, head of human ressources chez BDO Luxembourg, le constat est sans appel: «Il y a un avant et un après-Covid. Chacun a vécu la crise à sa manière et la levée des contraintes sanitaires ne doit pas être synonyme de reprise brutale. Il faut œuvrer à un retour progressif au bureau, sans pour autant laisser de côté le potentiel des outils numériques».

« Chacun a vécu la crise à sa manière et la levée des contraintes sanitaires ne doit pas être synonyme de reprise brutale. » 
Emilie Casara, Head of Human Resources, BDO Luxembourg

 

Avec ces dynamiques de souplesse et de flexibilité, d’autres interrogations émanent, notamment sur le traitement des abus. Dans cette problématique, l’approche managériale occupe un rôle central. Au-delà des contrôles, il s’agit avant tout de confiance de l’employeur envers son employé.

Pour Daniel Hilbert, people partner chez BDO Luxembourg, les collaborateurs qui enfreignent les règles restent minoritaires: «Il est injuste de pénaliser ceux qui jouent le jeu. L’approche managériale doit pouvoir identifier et sanctionner les personnes qui contournent les règles, et permettre à ceux qui les respectent de profiter pleinement de la souplesse qui est mise en place».

Lever les scepticismes

Certaines entreprises luxembourgeoises, comme BDO, étaient déjà préparées aux nouvelles habitudes de travail propres au Covid-19, notamment sur la question du télétravail.

«Nous avions effectué des tests étendus au sein de notre département audit en 2019, puis nous avions généralisé la possibilité du télétravail pour tous nos collaborateurs en janvier 2020. À l’époque, le recours au télétravail était encore limité, car il y avait du scepticisme de tous les côtés, mais notre préparation a permis d’être pleinement opérationnel à distance – notamment d’un point de vue technologique et sécurité des accès – dès le début de la crise», précise Daniel Hilbert.

Cette préparation en amont a permis à ces entreprises, en avance sur leur temps, de se démarquer dans le chaos des premières semaines de la crise. Le groupe a également su faire preuve de transparence au travers d’une communication bien orchestrée, avec par exemple la mise en place d’une adresse e-mail entièrement destinée à centraliser toutes les interrogations et informations des employés sur la crise en interne.

«Une des premières décisions était la mise en place d’une boîte mail à laquelle n’avaient accès que les membres de la cellule de crise. Cette boîte mail a comptabilisé depuis le début de la crise plus de 3.000 mails reçus. Nous avons pu y répondre de façon réactive et nos collaborateurs y ont vu une source d’informations fiable», précise Daniel Hilbert.

Valoriser et alimenter le lien avec l’entreprise

Au-delà des nouveaux défis liés au télétravail et à la distanciation sociale, le lien corporate se positionne plus fort que jamais dans les stratégies RH.

Suivant la théorie de la communication, la communication est avant tout non verbale. Les postures, les expressions, ou encore la gestuelle ne sont pas aussi puissantes en visioconférence qu’en présentiel.

Pour Daniel Hilbert, c’est indéniable: «Les collaborateurs ont besoin de se voir pour échanger. Même si la technologie aide, elle a ses limites. Le défi pour les entreprises sera de trouver le bon équilibre. Je pense que l’employeur devra créer et encourager des moments de rencontre et d’échange, que ce soit au sein du lieu de travail, en mode hybride, en digital ou encore des activités extra-professionnelles des collaborateurs».

« Les collaborateurs ont besoin de se voir pour s’échanger. Même si la technologie aide, elle a ses limites. » 
Daniel Hilbert, People Partner, BDO Luxembourg

 

Venir au travail est une règle inaliénable côté employeur et employé, mais de nouvelles manières de travailler ont émergé, sous une autre forme. Ces nouvelles habitudes vont continuer à gagner du terrain, à une vitesse moindre, certes, mais force est de constater qu’elles sont d’ores et déjà ancrées dans la plupart des politiques d’entreprise.

Attirer avec un package « humain » 

Pour le recrutement, les questions de «well-being» et de souplesse sont devenues primordiales chez les candidats. Pour attirer les futurs talents, les entreprises doivent faire preuve d’adaptabilité sur les nouvelles priorités des travailleurs, surtout dans un contexte où les profils qualifiés deviennent rares.

«Aujourd’hui, nous mettons en avant le télétravail, le flex-time et nous avons également mis en place la possibilité pour les salariés d’acheter des jours de congés supplémentaires. Notre amplitude horaire permet à chaque collaborateur de gérer ses impératifs au cours de la journée», nous explique Émilie Casara.

D’autres axes peuvent être proposés par les employeurs, comme notamment la question de la mobilité, point noir majeur des travailleurs frontaliers et luxembourgeois. Sur ces questions, des solutions d’ordre pratique sont proposées, comme la mise à disposition de parkings ou encore l’installation de hubs à proximité des frontières pour diminuer les temps de trajet et augmenter le confort des collaborateurs.

Chez BDO, l’idée de mettre l’accent sur la mobilité fait son chemin. Ainsi sur le site à Luxembourg-Ville, BDO a mis en place un système de location et de sous-location à la journée permettant d’optimiser l’utilisation des espaces parking. Au-delà des solutions dédiées au stationnement, le groupe est sur le point d’ouvrir un hub proche des frontières.

Pour Émilie Casara, les questions relatives à la souplesse et au «well-being» sont cruciales pour le positionnement d’une entreprise: «ce sont des arguments très importants et les questions sont posées d’emblée par les futurs collaborateurs. C’est un package qui est devenu aussi important, voire plus important que les autres critères».

Il s’agit de mettre en avant l’Humain sous toutes ses formes, mais aussi de montrer sa capacité à écouter et reconsidérer l’approche managériale. Pour cela, il est nécessaire d’avoir le sponsorship du Top Management, d’accompagner les managers à travailler une posture managériale avant tout centrée sur la transparence, la motivation, la bienveillance et la confiance pour recréer le lien qui a été altéré par la crise. C’est précisément cette nouvelle dimension qui doit redéfinir le rôle du manager post-Covid.